mai 2021

La ménopause est-ce forcément morose ?

Femme Senior - Ménopause - Bien dans sa peau - Salon des Seniors

La ménopause c’est forcément morose… On pourrait en faire une chanson et personne n’y trouverait rien à y redire, tellement cela est ancré dans la croyance populaire. Pour beaucoup de femmes, la ménopause est une sentence triste, désagréable et inéluctable qui va leur tomber dessus et changer leur vie à jamais.

Nous avons rencontré le Dr Odile Bagot pour avoir un avis scientifique, pétillant et éclairé sur la question. Pétillante, c’est effectivement l’adjectif parfait pour décrire le Dr Bagot. Même à travers nos écrans d’ordinateurs, elle a réussi à nous faire rire sur un sujet qui de prime abord n’est pas vraiment connu pour être hilarant. 

Bonjour Docteur, je vous laisse vous présenter en quelques lignes.

Je suis gynécologue obstétrique depuis plus de 30 ans, ancienne interne et chef de clinique des Hôpitaux de Strasbourg. J’enseigne la sexologie à l’université de Strasbourg et suis auteure du Blog Mam Gynéco et de plusieurs ouvrages dont  Ménopause, pas de panique.

Pour moi il est essentiel que les femmes aient un maximum d’informations afin de comprendre et ainsi pouvoir faire des choix éclairés sur leur santé.

Expliquez-nous ce qu’est la ménopause d’un point de vue physiologique

La ménopause c’est l’arrêt complet des règles pendant au moins un an aux alentours de la cinquantaine. L’arrêt total des cycles est la conséquence de l’épuisement du stock de follicules ovariens que nous avons à la naissance. En effet, nous naissons en moyenne avec plus de de 600 000 follicules, ce qui ne signifie pas que nous ovulons 600 000 fois bien entendu, car il y en a qui vont ovuler et d’autres entrer en atrésie, c’est-à-dire qui vont disparaitre sous l’effet de l’âge. En dessous d’un certain seuil de follicule le déclenchement de l’ovulation qui vient du cerveau va s’arrêter et cela est irréversible. La ménopause du point de vue physiologique, c’est donc l’épuisement des follicules, l’arrêt des cycles et du point de vue clinique, c’est une année complète sans règles aux alentours de 50 ans.

Si l’on souhaite une confirmation biologique, il est possible de faire des dosages (prise de sang) mais ils ne sont pas très intéressants car l’hormone de la ménopause, la FSH (FSH-Hormone folliculo-stimulante), augmente à partir de 40/45 ans. Il est vrai que chez une femme ménopausée, cette hormone est très élevée mais on peut avoir une FHS déjà élevée tout en ayant encore des cycles. Les prises de sang pour savoir si l’on est ménopausée ce n’est donc pas ce qui est le plus important, c’est le point de vue clinique, un an complet sans menstruations à partir de 50 ans.

Reveil - C'est l'heure de la ménopause

Il y a plein d’idées reçues sur l’influence négative de la ménopause au niveau psychologique. Vous en pensez-quoi ?

La ménopause est une période absolument formidable !

Ne nous voilons pas la face, il y a quand même certains inconvénients tels que l’inconfort lié aux bouffées de chaleur et, avec le temps, la sécheresse vaginale. Ce n’est pas agréable et ça peut altérer votre qualité de vie. De même, il peut y avoir des troubles de l’humeur et du sommeil. Mais une fois que cette étape est passée ou traitée, la ménopause redevient une période formidable.

Ah oui et pourquoi ?

Parce que l’on est plus ou moins au milieu de sa vie et que l’on a suffisamment de maturité et de confiance en soi pour savoir en tant que femme ce que l’on aime ou pas, ce que l’on veut, ou pas. Nous avons également souvent physiquement une bonne forme, nous avons donc la capacité de créer des choses. En psychanalyse on parle de sublimation. En effet, en psychanalyse, la ménopause correspond à la fin de la maternité, c’est-à-dire la capacité de créer quelque chose dans son corps (c’est effectivement ce qui marque le plus les femmes au niveau psychologique). Mais on sait qu’une ménopause bien vécue va permettre de transformer cette capacité à créer avec son corps à une capacité à créer autrement (créativité). Il y a donc une nouvelle palette de créativité, somme toute, un potentiel décuplé pour les femmes. De ce point de vue-là, si on est en bonne forme et que l’on est bien dans sa tête, c’est plutôt positif.

Les autres choses positives dans la ménopause, c’est que l’on est débarrassée de pleins de tracas  ! On est débarrassée de la contraception, de ses règles et parfois même de ses enfants… Même si ce n’est pas une source d’ennuis mais parfois de soucis ! 😊.

On arrive à un stade de sa vie où en général on n’est pas trop mal installée, on est souvent à une période professionnelle satisfaisante. De nombreuses études le montrent, c’est une période où pas mal d’ennuis sont derrière soi. La période difficile chez la femme c’est plutôt vers 45 ans. Mais au-delà de 50 ans, une fois que ce chamboulement s’est fait, psychologiquement les femmes sont mieux.

Combien de temps dure ce grand chambardement ?

Pratiquement ¾ des femmes auront des bouffées de chaleur mais la tolérance et le vécu seront différents selon les femmes.

Au bout de 5 ans de ménopause, la moitié des femmes ont encore des bouffées de chaleur et celles-ci peuvent effectivement leur compliquer (pour ne pas dire, pourrir) la vie.

Il y a bien entendu des solutions naturelles. Si ces dernières ne fonctionnent pas ou ne sont pas suffisantes, il est possible d’avoir recours au traitement hormonal de la ménopause. 

Ménopause et libido, est-ce incompatible ?

Vous êtes d’accord avec moi pour dire que la libido chez la femme est multifactorielle ? Qu’il ne s’agit pas que d’une question d’hormones.

Chez l’homme, les hormones jouent un rôle essentiel. Chez la femme, la part hormonale est assez restreinte car sa libido est très liée au contexte.

Du point de vue strictement hormonal, pour la sexualité de la femme à la ménopause, il faut distinguer deux choses :

  • L’hormone de la libido, c’est plutôt l’hormone mâle, la testostérone. Or, la sécrétion de testostérone chez la femme persiste lors de la ménopause, c’est la sécrétion d’œstrogènes qui va baisser. Donc du point de vue équilibre on serait plutôt sous l’influence de la testostérone (j’en veux pour témoin, trois poils au menton par exemple 😊). Hormonalement, cette situation devrait être positive pour la libido.
  • De l’autre côté, au niveau du fonctionnement, c’est-à-dire, les capacités à avoir de l’excitation et une lubrification, cette partie est sous le règne des œstrogènes… Et le problème de la ménopause c’est justement le manque d’œstrogènes. Cela engendre donc souvent une sécheresse vaginale qui est généralement l’un des problèmes récurrents au niveau sexuel lors de la ménopause. Sans traitement, plus d’œstrogènes, la lubrification met donc plus de temps à se mettre en route et est moins abondante. L’excitation vient moins bien, moins vite, sera moins agréable. De ce fait, les rapports deviennent moins satisfaisants et cela donne moins envie de recommencer.

 Ce besoin de plus de temps pour parvenir à l’excitation pose un problème dans le couple d’autant plus que le Monsieur en général a aussi quelques heures de vol. Si je schématise un peu, pour Monsieur, ça serait bien que les préliminaires durent un peu moins longtemps, alors que pour Madame, ça serait bien que ça dure un peu plus longtemps. Il va donc falloir accorder les tempos.

Femme Senior - Ménopause - Bien dans sa peau - Salon des Seniors

Justement, quels sont les moyens pour « accorder les tempos » ?

Les lubrifiants peuvent raccourcir la phase de préliminaires car ils favorisent une lubrification rapide et en améliorent la qualité.

Je conseille également aux femmes, lorsque c’est possible de se « préparer » un peu avant. Pour mettre le corps dans de bonnes dispositions, il faut du temps. Je vous conseille de prendre du temps pour vous, par exemple, prenez une douche et durant ce temps pour vous, vous pouvez stimuler un peu vos tétons, votre clitoris avec le jet d’eau… Cela aussi va permettre de faire avancer un peu les choses et de raccourcir le temps des préliminaires et ainsi permettre aux deux amants d’être un peu plus raccords. Et pour garder une muqueuse vaginale en pleine forme on peut lui apporter des estrogènes par voie générale avec le traitement hormonal ou locale sous forme de crèmes ou d’ovule. Mais le plus important c’est de ne pas mettre son vagin à la retraite, autrement dit de garder une vie sexuelle régulière !

Couverture du livre Ménopause pas de panique

Tout ! Vous allez tout savoir. En fait, mon principe, celui que j’ai toujours appliqué dans mon cabinet est d’expliquer les choses. Pour qu’une femme puisse être actrice de sa santé, il faut qu’elle comprenne ce qui se passe, ça c’est essentiel.

Dès le début de mon livre Ménopause, pas de panique, j’explique simplement ce qui se passe. Je commence à la périménopause, parce que ça s’est toujours un peu compliqué chez les femmes. Ensuite, je parle de la ménopause, en expliquant avec des mots simples quels sont les mécanismes, pour que chaque femme puisse comprendre ce qui se passe. Par ailleurs, il est important de faire la liste des symptômes pour que les femmes sachent à quoi s’attendre. Et puis après je parle des solutions. Que va-t-on faire ? Cette question se pose à la fois pour les symptômes de la ménopause mais aussi de manière générale, pour la qualité de vie des femmes au-delà de 50 ans. Ce n’est pas juste une question d’hormones ou de règles. Pour les symptômes, il y a toujours toute une gamme de traitements, de possibilités thérapeutiques et donc je fais la liste de tout ce qui existe en médecines complémentaires, que ce soit l’homéopathie, l’acuponcture, la phytothérapie… Par exemple, j’ai fait un gros travail sur les phytoestrogènes, (soja, lin, houblon) où il peut y avoir de la controverse, on ne sait pas toujours sur quel pied danser. Je me suis notamment basée sur un très gros rapport de l’Afssaps (Agence Française de sécurité sanitaire et des produits de santé) qui étudie tous les phytoestrogènes, il faut savoir qu’ils restent contre-indiqués dans le cancer du sein. Ça a beau être des plantes, elles ont un effet oestrogénique. Et puis dans mon livre, il y a aussi une partie qui est importante, où je parle de ce fameux traitement hormonal de la ménopause sur lequel on a dit tout et n’importe quoi. C’est un chapitre important car beaucoup de femmes l’appréhendent alors que pour le traitement hormonal les choses sont claires.

Les lubrifiants peuvent raccourcir la phase de préliminaires car ils favorisent une lubrification rapide et en améliorent la qualité.

Je conseille également aux femmes, lorsque c’est possible de se « préparer » un peu avant. Pour mettre le corps dans de bonnes dispositions, il faut du temps. Je vous conseille de prendre du temps pour vous, par exemple, prenez une douche et durant ce temps pour vous, vous pouvez stimuler un peu vos tétons, votre clitoris avec le jet d’eau… Cela aussi va permettre de faire avancer un peu les choses et de raccourcir le temps des préliminaires et ainsi permettre aux deux amants d’être un peu plus raccords. Et pour garder une muqueuse vaginale en pleine forme on peut lui apporter des estrogènes par voie générale avec le traitement hormonal ou locale sous forme de crèmes ou d’ovule. Mais le plus important c’est de ne pas mettre son vagin à la retraite, autrement dit de garder une vie sexuelle régulière !

Si, comme vous le dites les choses sont claires pourquoi il y-t-il une polémique autour de ce traitement ?

Justement, j’en parle dans mon livre. Pour vous expliquer rapidement… Dans les années 2000 sort une grande étude américaine et anglaise qui a fait peur à tout le monde en affirmant que le traitement hormonal augmentait le risque de cancer du sein.  Panique à bord ! Cela a porté un coup de frein magistral à ce type de traitement. Or, cela fait plus d’une dizaine d’années que nous avons des études françaises sur le traitement tel qui est administré chez nous (en France), avec les hormones biosimilaires. Nous avons bien démontré (10 ans de recul et 80 000 femmes) que l’on n’augmente pas le risque de cancer du sein si on utilise les hormones biosimilaires, c’est-à-dire les mêmes hormones que celles fabriquées par l’ovaire avant. Elles sont de synthèse, bien-sûr, mais on a une bien meilleure sécurité par rapport aux traitements anglais ou américains. Le traitement hormonal biosimilaire nous épargne tous ces symptômes qui nous enquiquinent la vie :

  • Les bouffées de chaleur
  • La sécheresse vaginale
  • Il a également des bénéfices secondaires qu’il ne faut pas oublier, concernant les os en particulier. En effet, il va diminuer le risque d’ostéoporose car il permet aux os de ne pas se décalcifier. Et pour celles qui prennent des œstrogènes par voie transcutanée, c’est-à-dire, sous forme de gel ou de patch, cela va également diminuer le risque vasculaire.

Pour moi il est important d’expliquer afin de faire la part du vrai et du faux parce que les femmes font souvent des choix par défaut en cédant à la peur, plutôt qu’en se basant sur ce que ça peut leur apporter. De plus, pour moi il est important d’avoir une vision globale de la femme après 50 ans.

Son alimentation est également un sujet essentiel car il faut favoriser une alimentation orientée en fonction des besoins de la ménopause. Effectivement, nous perdons des protéines, et du muscle, j’explique par quels mécanismes dans mon livre.

Par ailleurs, c’est la raison pour laquelle il faudra apporter des protéines d’une manière ou d’une autre et plutôt des protéines saines.  De même, il faut des apports vitamino-calciques suffisants, sans bien entendu, que l’on soit obligées de se bourrer de produits laitiers, il y a d’autres sources de calcium !

Je parle également de la prise de poids, qui contrairement à ce que l’on pense n’est pas du fait de la ménopause mais de l’âge. Et puis, il y a aussi l’activité physique, il y en a qui sont plus bénéfiques que d’autres pour la ménopause et surtout pour les os. Les activités qui favorisent les petits chocs, comme la marche avec bâtons sont recommandées. Il est bénéfique que les os s’entrechoquent un petit peu pour que le calcium vienne se fixer. En particulier au niveau des poignets lorsque l’on marche avec des bâtons ou du col du fémur dans le cas de la marche à pied. Les activités plus souples comme la natation sont également recommandées car bénéfiques pour les articulations. Et puis, il y a aussi le cas des femmes très sportives, il ne faut pas qu’elles oublient que l’on a l’âge de ses artères. Si besoin, je conseille de faire un test d’effort chez un cardiologue car parfois certaines poussent le bouchon un peu trop loin.

Mon livre est vraiment une vision globale de la femme après 50 ans et comment on peut l’aider pour qu’elle ait la meilleure qualité de vie, évidemment avec tout l’accompagnement psychologique et sexologique dont je parle aussi dans le livre.

Pourquoi avez-vous créé votre blog ?

Avant même d’écrire des livres, j’avais déjà mon blog.

Je l’ai lancé il y a presque 10 ans maintenant, à la suite de la polémique sur les pilules de 3ème génération. A l’époque, les médias se sont emparés du cas de la jeune fille qui avait fait des accidents vasculaires et instantanément ça a mis le feu aux poudres. Les filles allaient arrêter leurs pilules sur un coup de tête sans que personne n’ait vraiment pris le temps de leur expliquer. 

C’est à ce moment-là que je me suis dit, je vais faire un blog pour les informer. Ça ne servait à rien d’écrire dans les journaux ou que sais-je parce qu’elles n’allaient pas le lire.

Pour faire passer mon information, j’ai vraiment voulu utiliser les canaux utilisés par les jeunes filles… Sauf que moi, ce n’est pas de ma génération de faire un blog et je ne savais pas du tout comment faire. Donc, j’ai envoyé mon premier texte au magazine Elle. Et c’est plutôt bien tombé car Elle était en train de refaire le blog de ses chroniqueurs. Pendant deux ans, toutes les semaines, j’ai donc écrit un article sur la gynéco, de la puberté à la ménopause. Plus ou moins ce que je vis et vois depuis plus de 30 ans en consultations. Au bout de deux ans, nous avons cessé notre collaboration et j’ai récupéré le blog pour moi.

 

Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez vous procurer le livre, Ménopause pas de panique ! dans toutes les bonnes librairies.

Vous avez aimé cet article, alors faites un tour sur le blog du Salon des Seniors et découvrez des articles sur une multitude de sujets. 

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